Lassitude
Jour de fatigue, d'angoisse, de lassitude.
Pourquoi, je ne le sais plus vraiment moi-même.
Ces temps-ci pourtant il me semblait avancer. Mes souvenirs me foutaient à peu près la paix, je commençais à me détacher de ma mère et de ses angoisses, à ressentir de la colère envers elle, à tenter de dépasser les nombreuses peurs qui empoisonnent ma vie.
Je me sentais même parfois adulte, certes juste quelques secondes, mais c'est déjà un miracle chez moi.
Quand c'est comme ça on n'a pas envie que ça s'arrête, pas envie que le blues revienne, et même en sachant que ce foutu chemin n'est pas linéaire, c'est dur d'accepter d'à nouveau replonger , que ce soit pour une journée ou pour plus longtemps.
Je suis fatiguée et lasse aujourd'hui, épuisée de tous les efforts mis en place ces temps-ci, déchirée par les sentiments et les prises de conscience qui se mettent à jour concernant ma mère, déchirée entre mon amour pour elle et la nécessité de me sauver la vie, d'oser enfin avoir mon propre avenir, un avenir qui n'obéisse plus à ce goutte à goutte de peur qu'elle m'injecte, certes involontairement, depuis l'enfance.
Je suis fatiguée et j'ai à nouveau envie de crier que c'est injuste. Même s'il me semble un peu plus possible d'avoir un avenir, j'en ai marre, plus que marre et j'ai plus que mal chaque fois que je me reprends cette violente réalité en tête : oui tout ce cauchemar a existé et non je n'aurai pas une deuxième enfance pour rattraper tout ça.
Je suis lasse que mon inconscient choisisse le moment où ma psy est en vacances pour se "lâcher" sur des cauchemars...Je suis fatiguée que tout cela revienne, fatiguée que mon coeur panique dès que l'on entend parler de justice à la télé, dès que j'aperçois un reportage avec une garde à vue.
Bientôt j'aurai rendez-vous chez mon avocate, j'aurai accès à ce que mon agresseur a déclaré pendant sa garde à vue et j'ai peur. Peur d'être à nouveau confrontée à son discours pervers, peur d'avoir droit à d'autres phrases tout aussi destructrices que son "tous les jours ça m'étonnerait, je ne suis pas d'humeur gourmande à la base"
Je suis fatiguée de tous ces deuils à faire, fatiguée que ce qui semble normal et simple pour d'autres soit un combat de tous les jours, fatiguée que toute chose dévore mon énergie.
Je m'accroche de toute mes forces à ma maman de coeur, à ces 3 jours avec elle, à tout ce qu'elle me transmet pour aller vers la vie, mais c'est difficile, tout est difficile.
Je voudrais pouvoir souffler, depuis 9 ans je ne sais pas ce que c'est d'aller bien au moins 1 semaine ou 2 d'affilée...les répits sont trop courts, les rechutes font trop mal.
C'est vrai que j'avance ces temps-ci mais le prix à payer me paraît parfois tellement élevé.
A l'instant où j'écris je rêve de quelqu'un chez moi qui me prendrait dans ses bras et me laisserait m'effondrer en larmes avant de retrouver le sourire...
Je suis fatiguée et j'ai peur, comme à chaque moment de "bas" , de ne pas remonter.
Je me sens lasse de cette injustice qui me donne envie de hurler...Pourquoi tous ces malheurs, pourquoi ce porc est-il venu succéder à des traumatismes déjà lourds avec le double deuil de mon père et mon frère ? Pourquoi ?
Je sais que je n'aurai pas de réponses, que je m'épuiserais si j'en cherchais réellement, mais j'ai mal à tout ce qu'on m'a volé.
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