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Deux ans. Fin du blog.

Publié le par Opale

10 juillet 2017. Deux ans . Il est temps de tenter de calmer les dates anniversaire. Il est temps de mettre fin à ce blog . Il va continuer d’exister sur les eaux infinies du Dieu Google, et s’il n’aide même qu’une seule personne je serai ravie. 

Deux ans , parce que même si le procès a eu lieu les 25 et 26 juin 2015 , la procédure s’est réellement terminée pour moi quand j’ai su qu’il ne ferait pas appel. Un condamné aux Assises a 10 jours ouvrables pour faire appel, j’ai donc vécu les 14 plus longs et plus angoissants jours de ma vie , puisque si l’accusé fait appel, on recommence le procès environ deux ans plus tard . Par bonheur ça s’est arrêté là.

 

Ce 10 juillet 2015 tous ceux ou presque qui m’avaient soutenue de près ou de loin n’avaient qu’un mot à la bouche « tu vas revivre  , tu vas tourner la page , tu vas construire ta vie » Deux ans après ( déjà deux ans , seulement deux ans…) , je ne pense pas que ce soit le cas.

Je suis sortie de là groggy comme un boxeur, j'ai enchaîné les cauchemars où je m’excusais auprès de lui de n’avoir pas pu faire autrement puis les cauchemars où il revenait chercher des affaires alors qu’il aurait dû être en prison. Mon cerveau et mon corps n’avaient pas encore intégré qu’il n’y avait plus d’attente , après 4 ans 5 mois et 14 jours à attendre depuis le jour de mon dépôt de plainte.

Pourtant je me surprenais à penser à 2016 , à me dire qu’enfin 2016 serait une année sans procédure et que rien que ça ce serait formidable. J’allais souffler , retrouver un peu d’insouciance malgré tous ces bleus et ces fractures invisibles laissés par cette procédure et ce procès.

Et puis…et puis…13 novembre 2015. Que viennent faire les attentats là-dedans me direz-vous ? J'y viens . 13 novembre donc , l’apocalypse, les infos en boucle et surtout sur Twitter le hashtag #PorteOuverte mis en place par des tas d’anonymes , spontanément, pour recueillir ceux qui parvenaient à fuir. Les tweets d’appel au secours et le lendemain les tweets de recherche et d’annonce de mort.

4 mois et demi après le procès, un évènement que ni moi ni personne n’aurions imaginé. Comme tout le monde, tant bien que mal , j’ai repris mon quotidien n’étant ni victime ni famille ou proche de victimes.

 

Et puis…et puis…la peur tout de même déjà de se rendre à Paris. Bon.

Et puis et puis…reprise du travail…et le 22 mars 2016 , angoisses intenses à l’idée d’y aller juste parce qu’il fallait participer à une réunion. Dépassée, figée, je ne pars pas et m’abrutis de médicaments. Je ne dors pas et traîne sur internet. Ca y est , l’insouciance vient vraiment de me quitter, moi qui pensais qu’elle m’avait quittée dans l’enfance. Attentat à Bruxelles. Toujours pas victime, toujours pas proche de victime et pourtant à partir de ce jour et pendant quasi 1 an je vais me sentir morte, vraiment morte, plus aucune envie, du vide . Une hospitalisation tentera bien de remettre un peu de lumière sur mon âme mais en vain, je suis morte je le sens et c’est absolument effrayant. Même aller voir ma maman de cœur est un effort, j’angoisse pour tout je m’épuise pour tout j’ai peur de tout, je suis morte.

Je me dis bien que ce n’est pas logique tout de même de réagir si fort aux attentats , certes il y a aussi la date anniversaire de ce qui aurait dû être le procès (mars 2015) mais quand même.

Pourtant en  moi je sais, je sens le pourquoi de ma terreur , car ils ont réussi avec moi les terroristes ; oui je suis terrorisée par ces hommes qui se foutent de tout et n’ont pas peur de mourir, ces hommes semblant fous et dans un autre monde. Je vois bien que je fais complètement le parallèle entre eux et Taré 1er .

Je dis à ma psy « j’ai l’impression qu’ils sont comme lui » et elle qui donne si rarement son avis me répond « ce n’est pas qu’une impression ».

 

Je me retrouve morte et perdue, à me dire très égoïstement que merde je voulais souffler, profiter après ces presque 5 ans et voilà que ces types sèment la terreur dans le monde et dans ma tête. Voilà que même sans procès, plus jamais il n'y aura d'insouciance.

Je suis loin, très loin de la renaissance qu’espéraient ceux qui m’ont soutenue. Ca dure, ça dure , ce vide , cette mort, les anti-dépresseurs impuissants. Et soudain dans les premiers jours de mars 2017 le sentiment de mort disparaît comme il est venu. Effet de la date anniversaire à nouveau ? Je n’en sais rien mais je prends ce répit même si ce n’est pas vivre que de ne simplement pas se sentir morte.

 

Depuis la lutte a repris, tenter de manger autre chose que des plats tout prêts ( échec...), me faire aider pour ce taudis qu’était devenu mon appartement pendant un an , retenter de travailler et ne pas y parvenir , chercher un sens à la vie là où je n’en vois aucun , là où pour moi « il faut profiter puisqu’on va mourir » est un non-sens et que je me demande encore pourquoi on ne cesse pas ce jeu cruel de suite.

Chercher malgré tout des moments de mieux , y arriver si rarement que le sentiment de fierté n’existe plus. Puis accepter , accepter que lui l’homme-bourreau soit en prison depuis deux ans et 3 mois et que je ne m’y fais toujours pas . Les conditions de vie, le fait que rien n’améliorera son état, le lien d’illusion que la petite fille en moi entretient encore avec lui , tout ça est épuisant et inexplicable ou tout au moins plus que difficile à faire comprendre à quelqu’un d’autre qu’un professionnel.

 

Deux ans. J’en suis là, rien de glorieux donc. Pas vraiment de regret non plus , probablement qu’il fallait que je porte plainte puisque je l’ai fait, mais le prix à payer est cher, très cher , malgré les belles personnes rencontrées.

J’en suis là et si quelqu’un veut porter plainte je ne le découragerai pas , je serai juste à ses côtés , je lui conseillerai simplement d’être bien suivi psychologiquement et de ne pas trop croire d’emblée au « tu verras il va être puni » . Nous ne sommes pas si nombreux à voir notre agresseur passer par la case prison il ne faut pas l’oublier.

 

Deux ans , je vis au jour le jour , la suite on verra bien, l’espoir on verra bien, c’est une notion inconnue. Je sais juste que je suis encore là , que ça m’enchante ou non . Et que je suis allée au bout de cette procédure, que surtout il a su que j’avais parlé , que ce n’était plus notre secret , c’est à ça que devait servir la plainte à mes yeux , à ça et à avoir une confrontation , que j’ai eu bien avant le procès, dont j’avais besoin mais qui est comme une immense marque au fer rouge sur mon âme et dans ma tête tant ce fut violent moralement.

 

Un jour peut-être un livre naîtra de tout cela et de mes « poèmes », un jour peut-être je témoignerai dans les établissements scolaires ou auprès de professionnels. Un jour peut-être…

 

Pour le moment je clos ce blog , un autre ouvrira ou non sur le quotidien, la vie, les passions pourquoi pas. Mais ici c’est fini. Porter plainte et après ? Je n’ai pas la réponse…pas encore.

 

 

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