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Un an sans dépression

Publié le par Opale

1 an . 

Voilà 1 an que je suis de retour dans le monde des vivants.

C'est aussi joyeux et formidable qu'irréel et violent .

Pour ceux qui ne suivent pas particulièrement ce blog ou mon vécu , en très gros résumé : enchaînement de traumatismes entre double deuil , maltraitance notamment via inceste etc...

En 2005 on m'a officiellement diagnostiqué une dépression (mais elle était sûrement déjà là bien avant ) , deux ans après que j'ai révélé l'inceste. J'avais et j'ai toujours une bonne psychologue mais niveau psychiatrie...

Pendant 15 ans j'ai essayé 7 anti-dépresseurs sans le moindre effet , vu des psychiatres en libéral jamais plus de 10 mn , en hospitalisations en clinique psychiatrique jamais plus de 5 mn , jamais d'écoute , à peine le mot traumatisme évoqué...

Mars 2015 date du procès qui finalement sera reporté à juin 2015.

1 an après, en mars 2016 , et je ne pense pas que ce soit le hasard , les épisodes dépressifs se sont aggravés de plus en plus, toujours plus d'arrêts de travail; toujours plus d'enfermement, de problèmes d'hygiène et de vie quotidienne en général . Mon état est devenu si alarmant que je me suis retrouvée en janvier 2018 à faire de la sismothérapie (les électrochocs modernes en résumé , en théorie très efficaces ) . Avec mon accord je le précise car on ne m'avait pas dit que rarement mais cela arrive , cela peut aggraver la situation et , pas de chance c'est arrivé.

Non seulement je garde un traumatisme de ces séances mais surtout une fois sortie mon état qui était déjà inquiétant est devenu dramatique et quelques mois après, en septembre 2018 je me voyais contrainte de me réfugier chez ma mère . Je pensais que cela durerait 2 ou 3 mois , je suis restée 20 mois avec 2 ou 3 essais de retours tous soldés par des mises en danger, des alcoolisations matinales pour remplacer les anxiolytiques,  l'absence d'hygiène, de repas etc....Le dernier essai en novembre 2019 est gravé au fer rouge, j'ai atteint mes limites en souffrance psychique je recherchais les doses létales sur le net, puis j'ai pris des renseignements sérieux sur l'euthanasie en Belgique . 

J'ai rappelé ma mère en urgence avant de risquer réellement le passage à l'acte et parce que je préférais me tuer que d'aller en hôpital psychiatrique . De là il était prévu une hospitalisation en janvier 2020 mais sur place j'ai renoncé et fait demi-tour.

Est-ce que ça a été le déclic ? (je n'avais plus d'anti-dépresseurs depuis un bon moment ) , une sorte de maintenant c'est la vie ou la mort ? Est-ce que c'est d'oser à nouveau aborder les abus avec ma psy là où je n'osais plus voyant ça comme un recul , je ne sais pas mais toujours est-il que peu à peu , micro pas par micro pas j'ai pu chez ma mère faire un repas , ou sortir 30 minutes car avant cela je ne faisais plus RIEN , j'étais aussi morte psychiquement que physiquement , vraiment. 

Ces premiers progrès ont eu lieu mi février 2020 sauf que très vite...1er confinement ! Adieu mes essais de sortie dans un parc trop loin pour le kilomètre et l'heure autorisée, adieu les envies débutantes de sortie en ville, adieu les rendez-vous avec ma psychologue dans ma ville de résidence où j'avais gardé mon appartement . 

Il a fallu s'accrocher, ma psychologue malgré la masse de travail à l'hôpital a été plus présente, chaque semaine au téléphone, m'encourageant à sortir marcher chaque jour, à continuer de cuisiner...

Et de loin en loin nous sommes arrivés début mai 2020 , moins d'idées noires et plus apaisée depuis qu'un psychiatre inconnu qui allait devenir le 1er psychiatre de ma vie à écouter et prendre 30 mn par patient m'a repassée sous xanax . J'ai alors songé qu'avec mon invalidité qui allait être actée je ne pourrai pas garder un loyer aussi cher surtout en ne l'habitant pas .

J'ai donné mon préavis, pensant donc chercher mais sans imaginer revivre seule de suite ou en tout cas en être capable sans surdose et mise en danger . Pendant 1 semaine avec ma mère nous sommes allées trier mon appartement et là c'était LE moment , celui attendu et recherché mais il s'est présenté tout seul, j'ai senti au bout de deux jours que c'est bon je pouvais rester chez moi en attendant de retrouver un appartement, que je ne me mettrais pas en danger . Je l'ai annoncé à ma mère qui est restée continuer le tri avec moi et est partie en fin de semaine le vendredi 22 mai 2020 au soir (oui c'est gravé ) .

Aujourd'hui donc , 23 mai 2021 c'est ma "première bougie" de cette année de nouveau totalement autonome , de ma première journée entièrement seule .

Une année mouvementée car sortir de dépression en plein Covid n'est pas exactement le timing idéal .

J'ai trouvé un nouvel appartement j'ai dû après 2 ans d'inertie totale physique gérer un déménagement entre deux appartements chacun au 3ème étage sans ascenseur, continuer le tri de mon F3 qui évidemment avait pris cher avec la dépression et trier, jeter, donner, afin d'entrer dans un studio de 30m² en plein centre-ville où je suis désormais très bien .

Mes 5 premiers mois de "liberté" étaient quasi idylliques, je m'émerveillais de me réveiller sans angoisses invalidantes ni envie de mourir , de tout faire sans efforts , mes courses mes repas mon ménage . Je me souviens mon premier jour ce fameux 23 mai 2020 avoir nettoyé ma machine à laver et en avoir été quasi euphorique moi incapable de rien même me laver ou me chercher un verre d'eau pendant tant de temps .

J'ai profité , j'ai refait mon premier pique-nique, mes premières terrasses  , je me suis offert une semaine à la mer en août , tout était si irréel et merveilleux, je craignais la rechute tout était trop beau .

Et puis...ce qui a chuté n'était pas réellement moi mais les conditions de vie . Octobre je venais tout juste de démarrer un atelier théâtre quand on a sérieusement commencé à parler reconfinement et le couperet a fini par tomber , impitoyable . Sous mes yeux s'envolait tout ce que je commençais à peine à redécouvrir : les terrasses , les parcs puis les chocolats chauds dans un petit bar , le théâtre , tout . Je l'ai vécu comme une injustice même si bien évidemment nous étions tous concernés, mais enfin je venais de passer deux ans privée de ma vie par un épisode dépressif gravissime et cette fois quand j'avais envie de vivre c'est ce foutu virus qui s'y mettait .

Puis plus violent encore un autre couperet allait tomber . Mon amie mon essentielle depuis 15 ans  , ma "tata de coeur" et de choeur puisque nous nous étions connues à la chorale, rechutait dans son cancer, hospitalisation mi novembre, visites interdites pour cause toujours de COVID très présent dans ma région (Picardie ) . Alors messenger et mes gifs idiots qui la faisaient rire , le téléphone et puis ce jour de fin décembre "j'arrête les soins , il n'y a plus rien à faire j'ai pris ma décision " .  Accepter, accompagner, rester digne face à sa sérénité et son humour comme elle l'a été jusqu'au bout . Et enfin les soins palliatifs qui eux autorisaient les visites .

Le 19 février ma Françoise qui parlait de ma "renaissance" elle qui me connaissait par coeur , s'est éteinte à quasi 73 ans , lucide jusqu'à la veille...inutile de revenir sur ma peine, Françoise c'est plus que ma famille .

Alors ne plus arriver à bouger pendant quelques jours et craindre la rechute encore plus mais être rassurée par psychiatre et psychologue sur le côté normal de la chose .

1 semaine après ses obsèques, apprendre le cancer d'une autre amie très proche qui si elle me lit sait tout l'amour que je lui porte  .

Tempête sur tempête mais tenir...

Et bien sûr les traumas , eux pendant les 2 ans de "mort" étaient silencieux tant tout était en sommeil et ils se sont donc réveillés quand la dépression est passée, quand l'envie de mourir surtout est passée . Depuis il y a beaucoup beaucoup de travail avec ma psychologue, notamment sur le deuil de mon père, mort à mes 7 ans et demi et que je n'avais ni fait ni ressenti, comme le raconte Anny Duperey dans le Voile noir . La mort de mon amie a tout fait exploser et pour la première fois récemment j'ai pu dire à ma psy  en pleurant " je veux le voir " .

Alors j'y tiens au fait que mon psychiatre dise qu'il n'y a pas de rechute dépressive malgré ces hauts et ces bas parfois très bas , ces angoisses existentiels sur la mort et la maladie, les traumas ....

Je tente depuis le début de me donner une routine, de sommeil, de temps sur internet (c'est encore trop mais ça progresse ) , de repas , les piliers non négociables . Puis profiter de ce qui restait  à faire c'est à dire en gros encore tout récemment : se promener, cuisiner , photographier de jolies fleurs, de petits endroits de ma ville , marcher avec quelques choristes , recevoir une amie pour un "café masqué  aéré " .

Depuis 4 jours nous reprenons un semblant de vie normale et donc ce 23 mai 2021 c'est resto en terrasse entre moi et moi pour fêter cette année sans rechute et surtout chez moi, car vivre chez ma mère n'était pas simple , pleine de bonne volonté mais sans aucune psychologie et bien impuissante et c'est normal face à sa fille lui parlant euthanasie alors qu'elle a déjà perdu un fils , mon grand frère , trois mois avant la mort de mon père .

Nous reprenons l'atelier théâtre aussi avec foultitudes de précautions mais quel bonheur .

Voilà cette année passée , et si en début de texte je dis que c'est aussi joyeux que violent c'est parce qu'il est encore gravé en moi que j'ai réellement pensé mourir, ne jamais revivre , je ne voulais qu'en finir H24 . Il faudra du temps pour cicatriser cela aussi .

Cet article n'est qu'un témoignage, il n'a pas vocation à vous dire "si j'ai pu vous pouvez aussi " car c'est le genre de phrases que j'ai toujours  trouvées insupportables et que je trouve encore insupportables quand on va mal ou très mal . Je suis étrangère à la notion d'espoir, cet article n'est donc que les traces de cette année et de la joie malgré tout d'être revenue à la vie .

Je suis toujours "en rééducation" comme après un coma de deux sauf que celui ci était psychique, mais quasi physique aussi au vu de mon inertie totale de l'époque .

A ce propos, chacun devrait lire ceci pour comprendre la fatigabilité chez les malades notamment chroniques https://www.bloghoptoys.fr/theorie-des-cuilleres-comprendre-la-fatigabilite .

Concernés par la dépression : tout mon soutien

Non concernés : renseignez-vous pour éviter de nous blesser encore plus ...

PS 1 : Je suis en rémission , pas guérie

PS 2 : Précision, dans l'article j'évoque que mon état a été aggravé par la sismothérapie, ce n'est pas un message anti-sismo . Si vous envisagez d'en faire , faites avec les renseignements , vos soignants etc . Mon parcours est unique comme tout parcours .

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