Précision utile avant de poursuivre : je sais que le harcèlement scolaire existe mais j’ai eu la chance de ne pas le subir et de ne pas y assister , les concernés en parlent mieux que moi . Ici donc l’école refuge .
J’y pense . Depuis le jour où ils ont fermé les écoles j’y pense .
Ils ont perdu leur refuge . Tous ces gamins maltraités , que ce soit psychologiquement, physiquement, sexuellement . Tous ces gamins négligés . Ils ont perdu leur refuge .
Ce n’est pas un scoop ma santé mentale est loin d’être au top .
Pourtant , d’après les professionnels, vu d’où je viens je m’en sors bien . Et je sais , je suis convaincue que sans ce refuge de ma scolarité , j’aurais pu très gravement dériver .
Un refuge , des repères .
Ce n’est pas que j’ai eu des instits ou des profs extraordinaires qui ont su me parler et m’écouter non . J’ai eu des profs " normaux" qui étaient ravis d’avoir une bonne élève , calme , polie , souriante , sociable , concentrée , certes trop effacée à leur goût en classe .
De ce fait je n’avais aucun problème avec eux et c’est une chance qui n’est pas liée à un mérite de ma part mais à un conditionnement à obéir toujours .
La grande majorité de mes souvenirs , en tout cas les bons , c’est l’école .
Je me souviens de la sieste en grande section qui était plus un temps de repos sur un petit tapis , au " réveil " on trouvait parfois une rose en tissu à côté de nous pour avoir été calmes .
Mais surtout l’école c’est mes anniversaires. Et des pique-niques.
Avant mes 7 ans et quelques mon anniversaire c’était ( je ne m’en souviens pas ) un gâteau avec mes parents , ma sœur et mon frère .
Puis comme je le disais dans l’article d’hier , mon frère puis mon père sont morts et Taré 1er a débarqué , ma soeur , majeure a quitté la maison .
Les anniversaires sont devenus un gâteau avec ma mère et Taré 1er , dans une tristesse ou une peur , ma mère chantonnant bon anniversaire, coupée par lui qui râlait de ne pas entendre la télé . Le tout sans cadeau de sa part à lui .
Alors les anniversaires à l’école c’était le BONHEUR. Ma mère faisait un gâteau , il y avait les copains et copines de classe , on avait des dessins . Vers le CE2 ou CM1 on choisissait quelqu’un de la classe pour préparer avec nous , les parts les assiettes , les gobelets . C’était génial. J’aurais bien poursuivi ça au collège mais bien sûr au collège on ne le fait plus .
Et les pique-niques !!! C’était pour le voyage de fin d’année en primaire et au collège. Pour moi une journée attendue .
Gens qui faites des pique-niques régulièrement, vous ne réalisez peut-être pas comme c’est génial !
Moi avec ma petite salade de riz ou un sandwich et surtout le graal : mon petit paquet de chips , j’étais alors l’enfant la plus heureuse du monde . C’était le seul de l’année pour moi , la seule sortie d’ailleurs .
Aujourd’hui encore si on me fait choisir entre un pique-nique et un resto je prends le pique-nique. Manger dehors c’est mon luxe suprême , tout comme quand chez des amis j’avais l’occasion de petit-déjeuner ou déjeuner en terrasse , quel luxe !!!
La sortie scolaire donc ( d’une journée , j’ai pas fait de séjour y avait pas ça ou peu ) gros gros potentiel de bonheur donc et " d’oubli" momentané de la peur et la violence qui attendent à la maison .
Plus globalement , c’était du CALME , des adultes qui ne crient pas , pas d’alcool , pas d’interdiction de dormir , pas de mains partout .
Comme tout le monde j’ai détesté des trucs ( le sport , passer au tableau ) mais franchement le reste c’était une bulle de protection même quand je me demandais comment ça se passait pour ma mère qui était rentrée de sa nuit de travail alors qu’il était encore saoûl .
Des adultes sympas , d’autres moins , des originaux qui nous faisaient bien rire .
La récré , les jeux , les copains et copines .
Les discussions, les bonnes notes malgré un environnement pourri pour bosser , les rires au collège , au lycée , le chemin entre domicile et collège ou lycée fait avec les copines .
Tout cela m’a sauvé la vie . Même si personne n’a su que je venais souvent en classe en ayant pas dormi du tout , ou vers 2 ou 3h du matin . Même si personne n’a su la terreur , les cris , le regard fou et ivre . Même si personne n’a su toutes ces heures sous ses mains .
Ils me retrouvaient avec le sourire , élève " normale " et c’est peut-être cette " normalité " dans ce contexte qui moi m’a sauvée .
Alors je pense à eux , ces petits frères et sœurs de galère qui eux aussi se réfugiaient à l’école et qui désormais sont confinés dans leur silence .