Confrontation

Publié le par Opale

Le jour tant attendu est arrivé...au pire moment.

Depuis 16 mois que j'attendais, j'avais eu le temps de leur dire que du 25 mai au 25 juin, les amis pouvant m'accompagner étaient absents. C'était le plus important pour moi , que l'ami qui m'avait accompagnée et soutenue lors de la plainte soit là, à la sortie, que je puisse me réfugier dans ses bras et passer une nuit ou deux chez lui et sa femme.

Mais non...pile 3 jours après leur départ on m'appelle. Pas du jour au lendemain comme je le craignais , non, du jour au jour...

Je suis sortie de chez ma psy à 11h30 après une séance difficile, j'ai passé plus d'un quart d'heure dans le hall pour récupérer puis j'ai pris le bus de midi. J'ai alors allumé mon portable et écouté la messagerie : message du commissariat, rappelez nous d'urgence il faudrait venir cet après-midi en confrontation !

Il y a eu alors le seul moment de chance de ces 16 derniers mois, le bus s'apprêtait juste à partir et j'ai vite demandé à redescendre, pour retourner frapper à la porte de ma psy style "au secouuuurs".

 

Comme elle était en rdv il a fallu attendre une bonne demi-heure et pendant ce temps j'ai rappelé les flics, qui auraient aimé que je sois là-bas à 15h...Bah tiens, sachant que j'habite à 1h de route et que je n'ai pas le permis.

Après son rdv ma psy m'a laissé utiliser son PC pour retrouver le portable d'un ami dans un mail, regarder les horaires de car. J'ai appelé cet ami devant elle mais il ne pouvait pas se libérer, ce qui est bien normal quand on est prévenu si tard, puis j'ai rappelé le flic pour négocier de venir pour 18h30 vu les horaires de cars.

Quelques mots d'encouragements de ma psy et je suis repartie avec l'impression d'être dans un cauchemar, que ce n'était pas réel, que ça allait s'arrêter.

En arrivant chez moi, j'ai tout de même oser demander à un voisin adorable , un vieux monsieur ancien amiénois, s'il pouvait juste m'emmener à la gare routière de Beauvais car pas la force d'y aller à pieds. Il m'a proposé bien mieux, m'emmener à Amiens, malgré la compagnie de sa femme pas facile à gérer avec un bon début d'Alzheimer.

Il a ensuite fallu rentrer, appeler le numéro que le flic m'avait donné pour avoir une avocate de permanence, numéro qui n'était pas le bon...j'ai donc finalement eu 3 numéros à faire avant de tomber sur une avocate qui m'accompagnerait le soir même.

 

16h30 départ pour Amiens, début d'effondrement dansla voiture quand on commençait à arriver là-bas.

Mon voisin m'a déposée et je suis rentrée seule car on était pile à l'heure et qu'il fallait faire vite, j'ai donc aussitôt vu l'avocate, très gentille et le flic que je n'avais encore jamais vu (puisque le sale con qui m'a reçue lors de la plainte n'était plus là peu après ma plainte)

Ils m'ont expliqué ce qui allait se passer, la configuration du bureau.

1 bureau avec le flic derrière son PC, mon agresseur en face sur une chaise, et un autre bureau perpendiculaire avec deux places. Je pouvais choisir d'être à gauche et donc de le voir où d'être à droite cachée par l'écran d'ordinateur.

J'ai voulu le voir, donc je me suis mise à gauche.

 

Pendant ce temps le flic est allé chercher S. et l'angoisse montait très fort, une panique énorme quand je l'ai vu rentrer dans la salle.

Je lui ai vu un regard méchant et froid dont je ne me souvenais pas autant, j'ai eu très peur. Il m'a regardée comme s'il était surpris, l'espace d'un instant j'ai cru qu'il allait dire qu'il ne me connaissait pas.

Il s'est assis, j'étais terrifiée car il n'y avait qu'un flic, que celui-ci devait taper à l'ordi et que je me demandais s'il aurait le temps de réagir au cas où S.

 bougerait.

Le flic nous a expliqué qu'il allait commencer par me poser des questions, puis ensuite que ça serait au tour de S., qu'on ne devait pas se parler sauf s'il nous y autorisait.

 

Il a donc commencé très simplement par demander "Mlle , maintenez-vous vos déclarations ? " Evidemment oui.

Avec le PV de mon dépôt de plainte, il a repris des détails et m'a posé des questions sur des faits précis, devoir tenter d'évaluer notamment les faits de viols, la fréquence, alors que le traumatisme a fait que je ne sais pas combien de temps ces actes là ont duré. 

Pour tout le reste par contre ce n'était hélas pas difficile, il a abusé de moi tous les jours.

Je ne sais pas comment le flic m'entendait, je ne parlais pas fort, ma voix tremblait mais il a donc tout noté, m'a demandé pourquoi je n'avais pas pu en parler même en grandissant, même vers 16/17 ans quand ça se passait encore, j'ai donc parlé de la honte, de la culpabilité etc...

Il m'a posé d'autres questions, entre deux, j'avais demandé finalement à l'avocate de changer de place avec elle, je ne supportais pas de le voir mais surtout j'avais besoin qu'elle soit entre lui et moi, j'avais peur qu'il se lève, donc je me suis retrouvée derrière l'écran d'ordinateur.

Il m'a ensuite expliqué comme il a dit que "monsieur n'a pas souvenance de ces faits, il ne se rappelle pas s'il s'est passé quelque chose de nature sexuelle entre vous, qu'avez-vous à dire là-dessus ?" , j'ai répondu que moi j'aurais bien aimé avoir oublié et que j'étais sûre qu'il ne pouvait pas avoir oublié.

 

Ca a donc été son tour, il lui a reparlé du fait qu'il ne se souvenait soi-disant pas (ce qu'il avait déclaré lors de ses deux auditions de garde à vue)

Et là ça a été terrible de réentendre cette voix que j'avais occultée , jusque là il n'avait pas dit un mot mais là je le retrouvais tel que je l'avais quitté, avec cette aplomb, cette suffisance, cette perversité.

Il a continué de dire qu'il ne se rappelait pas, il a dit au flic "ça fait 19 jours que j'ai eu ma convocation, depuis je cherchais ce que me valait une telle invitation, si j'avais su que c'était ce genre de choses, je n'aurais peut-être pas mis autant d'entrain à venir" , hallucinant.

C'est devenu très dur pour moi d'entendre à quel point il se foutait du monde, à quel point comme je m'en étais douté il n'avait pas peur.

Pendant quelques secondes je me suis demandée si j'étais folle , si j'avais inventé.

Plus je l'entendais et plus je m'effondrais en larmes à côté de l'avocate.

Le coup de grâce a été cette phrase qui me hante depuis hier, tant elle lui ressemble, tant elle me remet dans sa façon de parler, de penser.

Le flic lui a redit que je déclarais donc qu'il avait abusé de moi tous les jours, et il a répondu , toujours qu'il ne se souvenait pas, mais que cette fréquence l'étonnerait car "il n'est pas gourmand de nature " . Phrase abjecte, immonde, en entendant ça j'ai cru crever de douleur.

Bref il a continué ainsi, disant que de toute façon il ne savait même plus s'il regardait la télé le soir ou écoutait la radio...ce à quoi j'ai eu envie (mais je me suis retenue, ne devant pas m'adresser à lui) de lui hurler "sale con tu passais des nuits ivre mort à écouter de la musique militaire, à m'empêcher d'aller dormir"

 

Il niait presque même boire autant, il parle de "quelques écarts"...je n'en revenais pas, moi qui l'ai supporté tant de nuits où il pissait par terre, renversait son verre, cassait des choses, gueulait dans la maison, moi qui ai passé des tas de nuits blanches , allant le lendemain à l'école sans avoir dormi.

Il était arrogant avec le flic, lui disant qu'il n'allait pas inventer des choses pour leur faire plaisir et d'autres formules du même genre.

Malgré ça et c'est ce qui d'après le flic peut l'enfoncer, quand on lui a demandé si je mentais, si j'étais une menteuse il disait "je ne vois pas pour quelle raison elle mentirait mais moi je ne vais pas dire des choses dont je ne me souviens pas" 

Le flic a beaucoup insisté en disant "donc vous ne dites pas qu'il ne s'est rien passé, vous ne dites pas qu'il s'est passé quelque chose, vous dites que vous ne savez pas" 

Le flic était bien énervé par son comportement, il lui a rappelé que les abus se passaient uniquement quand il était sobre et donc en pleine possession de ses moyens et que du coup il n'avait même pas l'excuse de l'alcool pour ne pas se souvenir..

A la fin il lui a demandé ce qu'il avait à rajouter, je ne sais plus ce qu'il a dit.

Il m'a demandé la même chose et du coup je suis sortie de derrière l'écran pour le regarder, j'ai dit "je veux le regarder, lui dire que je n'ai pas oublié ce qu'il a fait, qu'il n'a pas oublié non plus et que j'espère qu'il n'oubliera pas de ne pas recommencer sur d'autres" . J'aurais pu parler à un mur c'était pareil il n'a pas bougé, ne m'a pas regardé.

A la fin mon avocate de permanence (lui n'en avait pas il a refusé) a fait ses observations qui seront ajoutées au dossier, en notant que les faits étaient anciens mais circonstanciés , criminels et non prescrits, que je n'avais pas pu parler à cause de beaucoup de culpabilité, que l'on voyait que j'ai encore très peur de lui et qu'une emprise avait été à l'origine de mon silence, que la confrontation avait été pour moi très dure émotionnellement et elle a repris ses termes à lui quand il a dit "je ne vois pas pourquoi elle aurait menti" en précisant qu'elle estimant qu'en gros il disait que les faits étaient avérés.

 

Le flic a bouclé le PV et S a voulu rajouter un truc, il s'est fait rembarrer puis le flic l'a laissé parler, il a réagi sur l'histoire d'emprise, en disant que c'est pas son genre de s'imposer, en disant que quand il avait passé son CAP (va comprendre Charles ???) il était resté devant la porte du lycée et en disant "est-ce que ça c'est quelqu'un qui s'impose ? " Idem j'étais effondrée et consternée d'entendre ça quand je sais les 20 ans de règne, de pouvoir, de terreur qu'il nous a fait subir.

Cerise sur le gâteau ...il a osé demander au flic, si, au cas où il se souviendrait de quelque chose, il pouvait le contacter , genre le flic est à sa botte, un truc de dingue aussi ça !

Ca s'est terminé là-dessus, ça a duré plus d'1h15 , le flic l'a remmené pour la fin de sa garde à vue et quand il est revenu je voyais qu'il hallucinait et il disait à l'avocate que vu le comportement et les déclarations, à son avis il y avait 99% de chance qu'il soit déféré au Parquet, pour éventuelle détention provisoire et poursuite si j'ai bien compris...

Voilà, pour le moment il faut digérer tout cela , je suis contente de lui avoir dit ce que j'avais prévu de lui dire, mais la peur est encore très forte, j'ai eu si peur tout le long, dès qu'il bougeait vaguement, que c'est très dur à calmer là, puis je retrouve ses mots, son langage pervers, c'est effrayant, il est vraiment glaçant ce type.

 

Suite : finalement et contrairement à ce que pensait le policier, il a été libéré après sa garde à vue, c'est donc maintenant au Procureur de décider s'il poursuit ou non.

En attendant il peut se ballader toujours aussi tranquillement, toujours à 5 mn à pieds de chez ma mère..

 

 

 

Publié dans La plainte

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D
Bonjour Opale, <br /> L'agresseur a t il été condamné?
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O
Bonjour , oui 5 ans ferme en cour d’Assises fin juin 2015
D
j'ai ete violéé l aout 2015 et mon agresseur a tenue les meme propos ou presque , sauf que moi il m'avait tabasser a mort j'ai le nez a refaire , je suis devenue sourde d'une oreille, et les dent sont cassées 5 au total, je dois me faire equiper d'appareil dentaire, j'ai resister et je suis battue avec lui mais j'ai pas pu eviter le pire, a cause de la strangulation , j'ai bien failli mourrir. quant je suis arrivee au chu il m'ont mise sous perf tellement j'avais perdue de sang, ma salle de bain etait plus blanche mais rouge.
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O
Toutes mes pensées pour vous.
A
Lire cette histoire a ete tres dur pour moi, tu as eu enormement de courage d'affronter cet homme horrible et jespere de tous coeur qu'il sera puni pour ce qu'il ta fait subir car PERSONNE ne devrait vivre cela.<br /> Jespere sincerement que ta douleur s'eteindra avec le temps meme si je me doute que cela ne sera pas chose facile.<br /> Voila je te souhaite encore beucoup de courage.<br /> Abygaelle
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H
Douce Opale... me pardonneras-tu de ne lire que maintenant ton texte? je voulais être au calme et sans interférences pour l'appréhender à sa juste valeur. On sent la peur dans ton récit, on sent la<br /> colère, on sent aussi ta force. Tu as eu un courage juste hors du commun. Je sais que tu es encore très secouée, le chemin n'est pas facile, mais tu as fait des pas énormes...<br /> Je t'embrasse très fort et accroche-toi ma belle!<br /> #calins
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O
<br /> <br /> merci beaucoup...<br /> <br /> <br /> <br />
A
quel cran quel courage dont tu as fait preuve!!!ce mec pue la perversité! je t'envoiestous pleins de belles pensées et pense que c'est pour toi encore une belle avancé que de chemin<br /> parcouru!!!bisous!
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O
<br /> <br /> merci Albane..<br /> <br /> <br /> <br />