Et le procès eut lieu...Pause pizza !

Publié le par Opale

Juste avant l’audition de ma famille, il y a eu celle du directeur d’enquête, le policier qui a suivi mon dossier, organisé garde à vue, confrontation, auditions etc… Par chance ce n’était pas le sombre connard qui avait pris mon dépôt de plainte. Ce dernier avait quitté le service et c’est lui, le directeur d’enquête qui a repris tous ses dossiers, avec tout le retard que ça impliquait , quand on sait qu’à la Brigade des mœurs de ce département ils sont seulement deux.

J’avais apprécié cet homme, il n’était ni chaleureux ni glacial, il faisait son boulot avec la neutralité nécessaire et était respectueux avec moi, contrairement à celui à qui il a succédé, c’était déjà beaucoup à mes yeux .

Ce jour-là , il vient donc relater comment s’est passée son enquête, comment se sont passées les auditions, la garde à vue, la confrontation . Il vient, forcément, témoigner des réponses aberrantes de Taré 1er tel que son « je ne sais pas » à la question « avez-vous tué quelqu’un monsieur ? » lancée à force de recevoir des « je ne sais pas » de sa part concernant ce dont il était accusé.

Il va être assez injustement attaqué je trouve, notamment sur les délais ( 16 mois entre mon dépôt de plainte et la prise en main du dossier ) , alors qu’il est arrivé quelques mois après, dans un nouveau service, pour remplacer quelqu’un qui je le rappelle refusait de poser des questions aux victimes (en tout cas à moi…) pour les aider à préciser et n’avait pris avec moi que 45 mn pour une plainte qui aurait dû prendre au moins 2 ou 3 heures.

J’ai d’ailleurs été surprise (plutôt agréablement) que le courrier que j’avais adressé au Procureur environ un an après ma plainte pour exprimer la souffrance de l’attente ait été lu au procès. Ce courrier, alors que les policiers m’avaient dit le contraire , a eu une vraie influence pour faire bouger les choses, et je me bénis d’avoir été posée et concise dans mes propos, sans agressivité.

Pipo et Mario vont avoir le don de me faire rire en interrogeant le directeur d’enquête, il faut dire qu’ils ont fait assez fort. Ils lui ont reproché deux choses . Il faut savoir que des DVD pornos ont été retrouvés chez Taré 1er , DVD où se trouvaient sur certains des jeunes filles a priori majeures (mais tout juste majeures…) , d’autres …zoophiles. Pas une seconde je ne l’imaginais en la possession de ce genre de choses , il ne semblait pas du tout du tout s’intéresser au sexe à la télévision et chez nous rien de ce genre n’existait. Cela dit, ma surprise a « surpris » ma psy, qui m’a douloureusement rappelé que chez nous, il avait ce qu’il fallait à disposition : moi.

Ces DVD , Taré 1er expliquera au gré des auditions les avoir soit achetés sur catalogue par curiosité, déclarant que si c’est vendu c’est que c’est autorisé, soit les avoir trouvés dans la rue dans un sac plastique .

Là où Pipo et Mario m’ont fait rire malgré eux, c’est en tergiversant sur la date de sortie des DVD , expliquant que c’était très différent si ces DVD dataient de mon adolescence ou s’ils dataient de quelques années. Sauf que quand j’étais adolescente…les DVD n’existaient pas ! J’ai glissé cela à l’oreille de mon avocate que ça a bien fait sourire aussi car elle n’avait pas tilté sur le moment.

L’autre reproche qui a été assez grandiose je trouve c’est « pourquoi n’avez-vous pas cherché un autre agresseur ? »

Evidemment comme a répondu ce brave homme, quand une femme de 33 ans dépose plainte et donne le nom de son agresseur, on n’a aucune raison de se dire « ça doit pas être le bon , cherchons-en un autre. » C’était donc la minute comique de cette journée…

Après cette audition devait donc venir celle de ma famille, racontée dans les articles précédents.

C’était la fin de cette première journée, longue, incroyablement intense, épuisante, douloureuse, irréelle. Je savais que le lendemain c’est moi qui passerais à la barre, et que les questions allaient être très très dures, d’autant plus qu’il était impossible de tirer quoi que ce soit de Taré 1er, il fallait donc me faire parler moi au maximum, me pousser dans mes retranchements pour que les jurés puissent se forger leur intime conviction.

Quelques mots échangés avec mon avocate et il était temps de partir se restaurer et se reposer.

Nous avons choisi D.et moi de faire une pause pizza (on y vient ! ) . Et là s’est déroulé ce moment totalement improbable qui nous fait rire dès qu’on en reparle, qui nous montre aussi à quel point une journée aux Assises est plus qu’éreintante. Il faut pour l’anecdote préciser que D. est très TRES calé en mathématiques, en informatique , et a le cerveau qui fonctionne à toute allure dans ce domaine, en plus d’être un homme formidable que j’ai la chance d’avoir comme papa de cœur.

Nous nous rendons jusqu’à la pizzeria , décidés à prendre une pizza et à la manger sur un banc au soleil histoire de prendre un peu l’air. Deux pizzas nous tentent particulièrement et on se dit qu’on goûterait bien aux deux. Un problème (si, si) se pose alors à nous : combien de pizzas nous faut-il pour pouvoir chacun manger la moitié de l’autre , pour avoir une moitié d’un goût et une moitié de l’autre. Et nous voilà à moitié hébétés et à moitié conscients de l’ampleur de notre fatigue psychique à tenter de calculer l’évidence (oui une pizza chacun suffit, je confirme…) . Au vu des capacités intellectuelles de D. , particulièrement en mathématiques, on n’a pas cessé de rire sur ces 10 bonnes minutes passées devant le menu à tenter de savoir ce qu’il nous fallait. On en ri encore , mais c’est je trouve une très bonne démonstration de l’énergie que peut prendre, dévorer même , une telle journée, y compris pour celui qui n’est qu’accompagnant.

Nous voilà enfin avec notre pizza, on sait encore la diviser en deux, tout n’est pas perdu , on la déguste et je me blottis dans ses bras sur le banc, me foutant (et lui aussi ) de ce que pourraient bien penser les passants .

Puis on rejoint nos chambres d’hôtel respectives , il fait encore très bon, il est 22h et un SMS de mon avocate m’attend :

« Demain on se bat ensemble d’accord ? »

A suivre…

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